Senegal

Présidentielle au Sénégal : Ousmane Sonko, l’opposant écarté du scrutin par le Conseil constitutionnel

Le 5 janvier 2024, le Conseil constitutionnel du Sénégal a annoncé le rejet de la candidature de l’opposant Ousmane Sonko à l’élection présidentielle du 25 février. Cette décision met fin à un long bras de fer entre le leader du parti Pastef-Les Patriotes et l’État sénégalais, qui l’accuse de multiples délits et crimes. Qui est Ousmane Sonko, quel est son projet politique, pourquoi est-il visé par la justice, et quelles sont les conséquences de son exclusion pour la démocratie sénégalaise ?

Ousmane Sonko, un ancien inspecteur des impôts devenu opposant radical

Ousmane Sonko est né le 15 juillet 1974 à Thiès, la troisième ville du pays. Il est diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) en 2001 et devient inspecteur des impôts et des domaines. Il se fait remarquer par ses critiques virulentes contre le régime du président Abdoulaye Wade (2000-2012), qu’il accuse de corruption et de mauvaise gestion des ressources publiques.

Voici une vidéo relatant ces faits :

En 2014, il crée son parti politique, Pastef-Les Patriotes, dont le nom signifie “Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité”. Il se présente comme le porte-parole de la jeunesse sénégalaise, qui représente plus de 60% de la population et qui souffre du chômage, de la pauvreté et du manque d’opportunités. Il défend un discours souverainiste, panafricaniste et social, qui prône la rupture avec le système néocolonial et la redistribution des richesses nationales.

En 2017, il est élu député à l’Assemblée nationale avec 1,93% des voix. Il devient le chef de file de l’opposition parlementaire et s’oppose fermement au président Macky Sall (2012-2024), qu’il accuse de dérive autoritaire et de détournement des ressources naturelles du pays, notamment le pétrole et le gaz découverts récemment.

Ousmane Sonko, un opposant ciblé par plusieurs affaires judiciaires

Depuis 2021, Ousmane Sonko fait l’objet de plusieurs poursuites judiciaires qui menacent sa carrière politique et sa liberté. En février 2021, il est accusé de viol et de menaces de mort par une employée d’un salon de massage où il se rendait régulièrement pour des soins. Il nie les faits et dénonce un complot ourdi par le pouvoir pour l’éliminer de la course à la présidentielle.

Le 3 mars 2021, alors qu’il se rend au tribunal pour être entendu par le juge, il est arrêté pour trouble à l’ordre public après que ses partisans ont affronté les forces de l’ordre sur son passage. Son arrestation provoque une vague de manifestations violentes dans tout le pays, qui font au moins 13 morts et des centaines de blessés. Le 8 mars 2021, il est libéré sous contrôle judiciaire après avoir bénéficié d’une levée de son immunité parlementaire.

Le 1er juin 2021, il est condamné par contumace à deux ans de prison ferme pour débauche de mineure dans l’affaire du salon de massage. Il ne se présente pas au procès et dénonce une mascarade judiciaire. Le lendemain, il est arrêté à nouveau pour appel à l’insurrection, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent. Il entame une grève de la faim pour protester contre sa détention arbitraire.

Le 12 décembre 2021, il est condamné à six mois de prison avec sursis pour diffamation envers le président Macky Sall, qu’il avait accusé de corruption dans l’attribution des contrats pétroliers. Il fait appel de cette décision, mais la Cour suprême la confirme le 4 janvier 2024, ce qui le rend inéligible pour l’élection présidentielle selon la loi électorale.

Ousmane Sonko, un candidat à la présidentielle malgré tout

Malgré ses déboires judiciaires, Ousmane Sonko ne renonce pas à sa candidature à la présidentielle. Il bénéficie du soutien de ses militants, qui organisent des manifestations et des collectes de fonds pour financer sa campagne. Il bénéficie aussi du soutien de certains acteurs de la société civile et de l’opposition, qui dénoncent la répression du pouvoir et l’absence de dialogue politique.

Le 15 décembre 2021, il obtient une victoire judiciaire inattendue. Un juge ordonne sa réinscription sur les listes électorales, qu’il avait été radié après sa condamnation pour débauche de mineure. Il dépose alors son dossier de candidature devant le Conseil constitutionnel, en espérant que celui-ci valide sa participation au scrutin.

Mais le 5 janvier 2024, le Conseil constitutionnel rejette sa candidature au motif que son dossier est incomplet. Selon son avocat, Me Ciré Clédor Ly, le Conseil constitutionnel n’a pas précisé quelle pièce manquait à son dossier. Il accuse le Conseil constitutionnel d’être inféodé au pouvoir et de bafouer les droits du candidat.

Ousmane Sonko, un opposant qui menace la stabilité du Sénégal

L’exclusion de Ousmane Sonko de la présidentielle suscite la colère et l’indignation de ses partisans, qui appellent à la mobilisation générale pour faire respecter la volonté populaire. Ils accusent le président Macky Sall de vouloir se maintenir au pouvoir par tous les moyens et de museler l’opposition.

Le rejet de la candidature de Ousmane Sonko fait craindre une nouvelle flambée de violences dans le pays, qui est considéré comme un modèle de démocratie en Afrique. Le Sénégal a connu quatre alternances pacifiques depuis son indépendance en 1960 et n’a jamais connu de coup d’Etat ni de guerre civile.

Mais le climat politique s’est détérioré ces dernières années, avec l’accroissement des inégalités sociales, la montée du mécontentement populaire et la répression des mouvements contestataires. Le pays fait face aussi à des défis sécuritaires, avec la menace du terrorisme islamiste dans la région du Sahel et la crise migratoire qui pousse des milliers de jeunes à tenter la traversée périlleuse vers l’Europe.

Le Sénégal a besoin d’un dialogue inclusif et apaisé entre les acteurs politiques, les institutions et la société civile pour préserver sa stabilité et son développement. Le cas de Ousmane Sonko est un test pour la démocratie sénégalaise, qui doit garantir le respect des droits fondamentaux et le pluralisme politique.

Moussa D.

Ecole de journalisme à Tunis, je traite de beaucoup de sujets liés à l'actualité de mon continent de coeur : Economie, Marché, Politique et Santé ... je m'intéresse à tout et à tout le monde.

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