Présidentielle au Mali : la candidature problématique de Boubou Cissé
La présidentielle malienne devrait se tenir en février 2022. Elle opposera une trentaine de candidats, dont des personnalités proches de l’ancien régime d’Ibrahim Boubacar Keita (IBK). Il s’agit notamment de l’ex premier ministre Boubou Cissé, qui ira vraisemblablement à ce scrutin sous la bannière de l’Union pour la république et la démocratie (URD), qui était pourtant le principal parti d’opposition au défunt régime. Une possibilité qui fait beaucoup de bruit à Bamako.
On le sentait venir depuis un bon moment. L’ancien premier ministre Boubou Cissé a jeté son dévolu, le mois dernier, sur l’Union pour la république et la démocratie (URD), en adhérant à l’un des trois partis traditionnels du Mali. Cette adhésion s’imposait au regard des textes de l’URD sur lequel il veut s’appuyer pour arriver au palais de Koulouba.
En effet, le règlement intérieur de cette formation politique stipule que nul ne peut concourir à la présidentielle pour son compte, s’il n’est pas l’un de ses membres. Maintenant que c’est fait, Boubou Cissé peut penser à une éventuelle candidature au scrutin de février 2022. Mais, il doit avant tout montrer sa capacité à réunifier l’URD, éclatée en plusieurs factions depuis le décès de son président Soumaïla Cissé, en décembre 2020. Le parti n’a toujours pas trouvé un leader naturel. Or le temps presse.
L’argument financier a beaucoup pesé
Boubou Cissé se présente ainsi comme un choix d’urgence. Certains cadres de l’URD l’auraient déjà adoubé. Selon eux, l’ex premier ministre partage l’idéal de paix et de justice de son prédécesseur. Il serait surtout un bon candidat en raison de l’influence de sa famille biologique et de l’important soutien financier de celle-ci à l’URD. Par ailleurs, Boubou Cissé disposerait d’un bon réseau à l’international. Ce qui est toujours important en Afrique de l’Ouest quand on a des ambitions présidentielles. Ces derniers mois d’ailleurs, le futur candidat a multiplié les déplacements à l’étranger. Notamment à Paris, Bruxelles, Abidjan, Ouagadougou, Nouakchott et Niamey.
Des oppositions internes et externes
L’arrivée de Boubou Cissé à l’URD ne plaît pas forcément à tout le monde. Certains voient en lui un opportuniste venu profiter de la position du parti pour accéder au palais de Koulouba. Une dissidence se mettrait déjà en place pour écourter ses rêves. Elle est notamment portée par le secrétaire à la communication du parti, Demba Traoré, le président par intérim Salikou Sanogo, et l’ex-ministre Mamadou Igor Diarra, l’un des derniers ralliés. Mais, l’opposition la plus tenace à Boubou Cissé ne devrait pas venir de l’intérieur. Elle surgira certainement du peuple malien qui ne veut plus avoir affaire aux personnalités proches de l’ancien régime d’IBK.
Le soulèvement populaire de juin et juillet 2020 avait pour but de balayer cette vieille classe politique accusée de tous les maux du Mali. Si Ibrahim Boubacar Keita et certains de ses amis sont « out » pour le scrutin de février prochain, d’autres ont pu revêtir de nouveaux habits. Ce serait le cas de Boubou Cissé, qui fut tour à tour ministre des Mines et du pétrole, ministre de l’Économie et des Finances et premier ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta. Il était donc une pièce maîtresse de l’ancien régime qui a été incapable de sortir les Maliens du bourbier pendant dix ans. Guerre au nord, conflits communautaires, pauvreté, émigration clandestine, détournements de fonds, surfacturations, etc. ont été le quotidien de la population. On pense ainsi que Boubou Cissé ne pourra rien apporter de nouveau.
Un pion de la France ?
Sa candidature relèverait même d’une insulte au peuple malien, qui a donné sa vie, il y a un an, pour faire partir IBK. Par conséquent, on appelle la Cour constitutionnelle à l’invalider afin de respecter les sacrifices et la volonté commune d’un changement radical. Par ailleurs, on ne voudrait pas que le technocrate de 47 ans se présente d’autant qu’il serait sous le parrainage de la France. L’ancien colonisateur ayant perdu son pion IBK et n’ayant aucun moyen de plier les militaires au pouvoir, aurait choisi Boubou Cissé à défaut de trouver mieux.
Pour ne pas se mouiller, Paris aurait activé le président nigérien Mohamed Bazoum pour faire le travail à sa place. On en veut pour preuve les récentes critiques de l’homme fort de Niamey à l’égard de Bamako. « Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être », a-t-il notamment laissé entendre. Une déclaration qui a provoqué l’ire des nouvelles autorités maliennes. Outre Bazoum, d’autres poulains de la France pousseraient de leurs côtés pour envoyer Boubou Cissé à Koulouba, comme le burkinabé Rock Christian. Des chefs d’Etat vomis par leur propre peuple.
Des candidats valeureux en face
Quoiqu’il en soit, les Maliens sont décidés à refermer cette porte dérobée que la France ouvre pour son protégé Boubou Cissé. On compte pour l’instant sur la sagesse de la Cour constitutionnelle pour mettre fin aux ambitions de l’ancien premier ministre. Si rien n’est fait au niveau de cette vénérable institution, on n’hésiterait à opter pour un vote sanction. Mais, il y a sûrement mieux à faire avec d’autres candidats annoncés. On pense notamment, parmi tant d’autres, à l’homme d’affaires Aliou Diallo d’ADP MALIBA, déjà 3ème aux dernières présidentielles et favori des sondages.
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