Le barrage de la Renaissance éthiopienne : un projet ambitieux et controversé
L’Éthiopie a achevé le remplissage du réservoir de son méga-barrage hydroélectrique sur le Nil, qu’elle considère comme essentiel pour son développement économique et son électrification. Mais ce projet suscite l’opposition de l’Égypte et du Soudan, qui craignent pour leur sécurité hydrique et leur partage des eaux du fleuve. Malgré des négociations sous l’égide des États-Unis, aucun accord n’a été trouvé entre les trois pays sur les modalités de gestion du barrage. Quels sont les enjeux et les risques de ce conflit autour du Nil ?
Un barrage stratégique pour l’Éthiopie
Le Grand barrage de la renaissance (Gerd), dont la construction a commencé en 2011, est le plus grand d’Afrique avec une capacité de production de plus de 5000 mégawatts. Il représente un symbole de fierté nationale et de souveraineté pour l’Éthiopie, qui entend doubler sa production d’électricité et fournir de l’énergie à environ la moitié de ses 120 millions d’habitants qui n’y ont pas accès actuellement.
Voici une vidéo parlant de ce projet :
Le barrage, qui a coûté environ 3,5 milliards d’euros, est financé entièrement par des fonds publics et des dons des citoyens éthiopiens. L’Éthiopie espère également exporter de l’électricité à ses voisins et devenir une plaque tournante régionale de l’énergie verte.
Une menace pour l’Égypte et le Soudan
L’Égypte et le Soudan, situés en aval du barrage, s’opposent au projet depuis son lancement, estimant qu’il va réduire leur approvisionnement en eau du Nil, qui est vital pour leur agriculture, leur industrie et leur consommation domestique. L’Égypte dépend à 97 % du Nil pour ses besoins en eau et considère tout changement dans le débit du fleuve comme une menace existentielle.
Le Soudan craint également que le barrage n’affecte le fonctionnement de ses propres barrages et n’augmente les risques d’inondations ou de sécheresse. Les deux pays réclament un accord contraignant avec l’Éthiopie sur le remplissage et l’exploitation du barrage, ainsi qu’un mécanisme de résolution des différends en cas de crise.
Des négociations dans l’impasse
Des pourparlers tripartites entre l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan ont été engagés depuis plusieurs années, mais sans aboutir à un consensus. Le principal point de désaccord porte sur la durée et le volume du remplissage du réservoir du barrage, qui peut contenir 74 milliards de mètres cubes d’eau.
L’Éthiopie veut le faire en six ans, tandis que l’Égypte propose une période plus longue, de 12 à 21 ans, pour atténuer l’impact sur le niveau du fleuve. L’Éthiopie a annoncé avoir terminé le quatrième et dernier remplissage du barrage en septembre 2023, sans attendre un accord avec les deux pays en aval, ce qui a provoqué la colère de l’Égypte, qui a qualifié cette opération d'”illégale” et de “unilatérale”.
Un risque de conflit régional
Le différend autour du barrage a créé des tensions diplomatiques et sécuritaires entre les trois pays concernés, qui ont multiplié les déclarations belliqueuses et les manifestations nationalistes. Certains observateurs craignent que le conflit ne dégénère en affrontement armé, d’autant plus que la région est déjà fragilisée par des crises politiques et humanitaires, comme la guerre au Tigré en Éthiopie ou la transition au Soudan.
Pour éviter une escalade, il est nécessaire de reprendre le dialogue et de trouver une solution pacifique et équitable, qui prenne en compte les intérêts et les préoccupations de tous les pays riverains du Nil.