Sénégal : les députés ouvrent la voie aux candidatures de l’opposition pour l’élection présidentielle
Le parlement sénégalais a adopté samedi un projet de loi qui permettrait à deux figures de l’opposition, Khalifa Sall et Karim Wade, de se présenter à l’élection présidentielle prévue en février 2024. Cette décision intervient après un dialogue national initié par le président Macky Sall, qui achève son deuxième et dernier mandat.
Un projet de loi qui rétablit les droits des personnes condamnées
Le projet de loi modifie l’article L28-3 du code électoral, qui stipule que toute personne condamnée à une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans est radiée de la liste électorale et ne peut donc pas se porter candidate à une élection. Le nouveau texte prévoit que la personne condamnée recouvre ses droits en étant réinscrite sur la liste électorale une fois écoulé le reliquat de la peine pour laquelle elle a bénéficié d’une grâce ou d’une amnistie.
Voici une vidéo en anglais relatant cette nouvelle :
Cette disposition concerne directement Khalifa Sall et Karim Wade, deux poids lourds de l’opposition sénégalaise, qui n’ont pas pu participer à l’élection présidentielle de 2019 en raison de leurs condamnations respectives pour des affaires financières. Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, a été condamné en 2018 à cinq ans de prison pour escroquerie portant sur des fonds publics. Il a été gracié en 2019 par le président Macky Sall, sans pour autant être réhabilité. Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, a été condamné en 2015 à six ans de prison pour enrichissement illicite. Il a été libéré en 2016 après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle, mais il vit actuellement en exil au Qatar.
Une avancée saluée par la majorité et l’opposition
Le projet de loi a été adopté par 124 voix contre une seule au sein du parlement, où la majorité présidentielle dispose d’une large domination. Le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome a expliqué que le texte ne se limitait pas à la modification de l’article L28-3, mais qu’il comportait également d’autres avancées issues du dialogue national. Il a cité notamment la révision de la Constitution et du code électoral, ainsi que la création d’un organe indépendant chargé d’organiser les élections.
Le vote a été salué par les partisans de Khalifa Sall et Karim Wade, qui ont exprimé leur satisfaction et leur fierté. Ils ont également appelé à la libération d’Ousmane Sonko, un autre leader de l’opposition, actuellement en détention provisoire pour troubles à l’ordre public après avoir été accusé de viol. Ils ont dénoncé une dérive autoritaire du régime et une instrumentalisation de la justice pour écarter les adversaires politiques.
Un geste d’apaisement dans un contexte tendu
Le vote intervient dans un contexte politique tendu au Sénégal, marqué par des manifestations violentes en mars dernier suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko. Ces troubles ont fait au moins 13 morts et des centaines de blessés, selon Amnesty International. Le président Macky Sall avait alors lancé un appel au calme et au dialogue, tout en affirmant sa volonté de poursuivre les réformes engagées.
Le projet de loi adopté samedi est perçu comme un geste d’apaisement et d’ouverture en vue de l’élection présidentielle de 2024, à laquelle Macky Sall ne pourra pas se représenter selon la Constitution. Il pourrait ainsi favoriser une compétition plus inclusive et plus démocratique, selon certains observateurs. Toutefois, il reste encore des incertitudes sur les conditions d’application du texte et sur la volonté réelle des candidats potentiels de l’opposition de participer au scrutin.