Quand le soleil se lève sur Kigali, la ville semble respirer un calme rare en Afrique. Les rues sont propres, les collines verdoyantes, et l’air étonnamment pur. Pourtant, derrière cette tranquillité apparente, le Rwanda mène une révolution silencieuse. Une transformation profonde, presque insoupçonnée, qui le place aujourd’hui au cœur des enjeux environnementaux du continent africain.
Un petit pays, de grandes ambitions écologiques
Le Rwanda, souvent surnommé le “pays aux mille collines”, n’est pas le plus vaste ni le plus riche des pays africains. Mais depuis deux décennies, il s’impose comme un laboratoire écologique à ciel ouvert.
« Nous n’avons pas de pétrole, pas de grandes ressources naturelles. Notre capital, c’est notre environnement », explique Jean-Marc Uwizeye, conseiller au ministère rwandais de l’Environnement. « Et nous avons décidé d’en faire un levier de développement. »
Dès 2008, le pays bannissait les sacs plastiques, devenant l’un des premiers au monde à adopter une telle mesure. Aujourd’hui, plus de 80 % des Rwandais vivent dans des zones où des programmes de reforestation ou de gestion durable des terres ont été mis en place.
En 2023, le Rwanda a investi plus de 150 millions de dollars dans des projets verts, allant de l’énergie solaire aux transports électriques. Une prouesse pour un pays dont le PIB reste modeste.
La propreté de Kigali, un symbole devenu modèle
Marcher dans les rues de Kigali, c’est faire l’expérience d’une capitale africaine sans déchets, sans embouteillages massifs, sans pollution sonore excessive. Chaque dernier samedi du mois, les citoyens participent à l’Umuganda, une journée nationale de travaux communautaires. Nettoyage, plantation d’arbres, entretien des routes : tout le monde s’y met, du président aux écoliers.
« L’Umuganda, ce n’est pas seulement une corvée. C’est notre manière de nous reconnecter à la terre », confie Claudine, une habitante du quartier de Kacyiru. « On se sent responsables de notre environnement. »
Ce modèle de gouvernance participative inspire désormais d’autres pays. En 2022, le Bénin, le Sénégal et le Malawi ont envoyé des délégations à Kigali pour étudier le système.
Des politiques environnementales portées par une volonté politique forte
Au Rwanda, l’écologie n’est pas une mode. Elle est inscrite dans la Constitution. Le gouvernement a créé une institution dédiée : le Rwanda Environment Management Authority (REMA), dotée de pouvoirs étendus pour surveiller, conseiller et sanctionner.
« Ce qui fait la différence ici, c’est la cohérence entre les discours et les actes », analyse Dr. Fatou Diop, spécialiste ouest-africaine des politiques environnementales. « Le Rwanda a réussi à intégrer l’environnement dans toutes ses politiques publiques : urbanisme, agriculture, éducation. »
En 2021, le pays a lancé sa Stratégie nationale pour le climat à l’horizon 2050. Objectif : atteindre la neutralité carbone, tout en maintenant une croissance économique soutenue. Un pari audacieux, mais qui semble déjà porter ses fruits.
Une économie verte en plein essor
Le virage écologique du Rwanda ne se limite pas à la protection de la nature. Il crée aussi de l’emploi et attire des investissements.
Le Green Fund, un fonds public-privé lancé en 2012, a mobilisé plus de 200 millions de dollars pour financer des projets durables. Grâce à lui, plus de 150 000 emplois verts ont été créés, selon les chiffres officiels.
Des start-ups locales se lancent dans la production de briques écologiques, le recyclage des déchets électroniques ou encore l’agrivoltaïsme. Des entreprises étrangères, séduites par la stabilité du pays et sa vision verte, investissent dans les énergies renouvelables.
« Le Rwanda est devenu un hub pour les investisseurs responsables », affirme Thomas Keller, consultant allemand basé à Kigali. « Ici, on sent une vraie volonté de construire un modèle africain de développement durable. »
Une diplomatie verte qui s’affirme
Sur la scène internationale, Kigali prend la parole avec assurance. En 2016, le Rwanda a accueilli la conférence qui a abouti à l’amendement de Kigali, un accord historique visant à réduire les gaz HFC, puissants contributeurs au réchauffement climatique.
Depuis, le pays multiplie les initiatives : participation active aux COP, partenariats avec les Nations Unies, coopération sud-sud avec d’autres pays africains. En 2022, le Rwanda a lancé avec le Ghana et l’Éthiopie une coalition pour la restauration des écosystèmes dégradés, couvrant plus de 10 millions d’hectares.
« Le Rwanda n’est plus un simple participant. C’est un moteur », résume l’activiste kényane Wanjira Mutoni. « Il montre que l’Afrique peut être à l’avant-garde des solutions climatiques. »
Des défis persistants, mais une vision claire
Tout n’est pas parfait. La pression démographique reste forte, les ressources en eau sont fragiles, et les inégalités sociales persistent. Le défi est de concilier écologie et inclusion.
« Il faut que la transition verte profite à tous, pas seulement aux élites urbaines », prévient Aimable Niyonzima, chercheur à l’Université du Rwanda. « Sinon, on risque de créer de nouvelles fractures. »
Mais malgré ces obstacles, le pays poursuit sa route. Avec méthode. Avec ambition. Et avec une conviction rare sur le continent : celle que l’environnement n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale.
Le Rwanda, petit par la taille, mais grand par la vision, est-il en train de montrer la voie à toute l’Afrique ?

Ecole de journalisme à Tunis, je traite de beaucoup de sujets liés à l’actualité de mon continent de coeur : Economie, Marché, Politique et Santé … je m’intéresse à tout et à tout le monde.













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