Un masque fang à l’origine d’un litige judiciaire
Un couple de retraités du sud de la France a vendu à un brocanteur, pour 150 euros, un masque africain qui leur appartenait et qui s’est révélé être une pièce rarissime, datant du XIXe siècle et appartenant au peuple fang du Gabon. Six mois plus tard, ils ont découvert que le brocanteur avait revendu le masque pour plus de quatre millions d’euros lors d’une vente aux enchères à Montpellier. Depuis, ils ont saisi la justice pour faire annuler la vente et réclamer un dédommagement.
L’histoire du masque
Le masque en bois sculpté avait été ramené en France par un aïeul du couple, René-Victor Edward Maurice Fournier, qui avait été lieutenant-gouverneur du Moyen-Congo dans les années 1910. Il l’avait collecté vers 1917, dans des circonstances inconnues, lors d’une tournée au Gabon. Le masque était resté dans la famille pendant plus d’un siècle, sans que personne ne connaisse sa valeur réelle. Il était conservé dans un cagibi de la résidence secondaire du couple dans le Gard.
Voici une vidéo relatant ces faits :
La vente au brocanteur
En septembre 2021, le couple, âgé de 88 ans et 81 ans, a décidé de vendre sa maison et de se débarrasser des objets qui s’y trouvaient. Ils ont fait appel à un brocanteur, qui s’est montré intéressé par le masque africain. Il leur a proposé de l’acheter pour 150 euros, en leur demandant des documents pour retracer son origine. Le couple a accepté, sans se douter qu’il s’agissait d’une pièce exceptionnelle.
La découverte du pot aux roses
Six mois plus tard, en mars 2022, le couple a lu dans le journal que le masque qu’ils avaient vendu allait être mis aux enchères à Montpellier. La photo et la description confirmaient qu’il s’agissait bien de leur ancien masque. Le catalogue de la salle de vente précisait qu’il s’agissait d’un rarissime masque du XIXe siècle, apanage d’une société secrète du peuple fang au Gabon, dont l’esthétique avait inspiré les peintres Modigliani ou Picasso et dont il ne restait dans le monde qu’une dizaine d’exemplaires. L’estimation était comprise entre 300 000 et 400 000 euros.
La vente aux enchères
Le 26 mars 2022, le masque a été adjugé pour 4,2 millions d’euros, hors frais, pratiquement un record pour un objet de ce type. La vente a été marquée par les protestations de Gabonais présents dans la salle, qui réclamaient la restitution du masque à son pays d’origine. Le brocanteur, qui avait réalisé une énorme plus-value, a ensuite proposé au couple de retraités de leur verser 300 000 euros, mais il n’a jamais honoré sa promesse.
Le litige judiciaire
Le couple a alors saisi la justice pour faire annuler la vente au brocanteur et réclamer un dédommagement de 4,2 millions d’euros, correspondant au prix du masque hors frais de vente. Ils estiment avoir été trompés sur la valeur réelle du masque et avoir subi un préjudice moral. Leur avocat invoque le code civil, qui prévoit que si le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence, la partie à laquelle le consentement a fait défaut peut demander l’annulation du contrat.
Le brocanteur se défend en affirmant qu’il n’a pas menti sur la valeur du masque et qu’il n’a pas exercé de pression sur les vendeurs. Il soutient que le prix qu’il leur a proposé était conforme au marché des objets africains et qu’il n’était pas tenu de les informer de l’estimation des commissaires-priseurs. Le tribunal judiciaire d’Alès doit trancher ce litige le 31 octobre 2023. En attendant, les comptes bancaires du brocanteur restent bloqués, sur décision de la cour d’appel de Nîmes.