Comment des grand-mères utilisent WhatsApp pour contrer l’intimidation électorale au Zimbabwe rural ?
Au Zimbabwe, les élections nationales du 23 août 2023 s’annoncent tendues et incertaines. Le président sortant Emmerson Mnangagwa, au pouvoir depuis le coup d’État de 2017, affronte à nouveau son principal rival Nelson Chamisa, leader de la coalition d’opposition Citizens Coalition for Change (CCC). Dans les zones rurales du pays, où vit la majorité de la population, les partisans de l’opposition font face à des menaces, des intimidations et une propagande médiatique de la part des militants du parti au pouvoir, le ZANU-PF. Mais certains ont trouvé un moyen de résister et de s’informer grâce à l’application de messagerie WhatsApp.
WhatsApp, un outil de communication et d’information
Un groupe de quatre grand-mères portant des foulards, des t-shirts et des jupes jaunes, la couleur du CCC, se rassemblent autour d’un téléphone portable dans la région rurale de Domboshava. Elles rient en regardant une vidéo montrant une troupe de babouins malicieux arrachant des affiches électorales du parti au pouvoir avec le visage du président dessus. Elizabeth Mutandwa, 64 ans, partage la vidéo sur plusieurs groupes WhatsApp communautaires, et en profite pour diffuser des informations sur la campagne électorale du parti qu’elle soutient.
Voici une vidéo en anglais relatant cette nouvelle :
Ces grand-mères font partie d’un réseau de militants du CCC qui utilisent WhatsApp pour communiquer entre eux, s’organiser et se tenir au courant des événements politiques. WhatsApp est l’application de messagerie la plus populaire au Zimbabwe, avec plus de 6 millions d’utilisateurs. Elle permet d’envoyer des messages, des photos, des vidéos et des liens à des contacts individuels ou à des groupes pouvant compter jusqu’à 256 membres. Elle offre aussi la possibilité de crypter les conversations, ce qui garantit une certaine sécurité et confidentialité aux utilisateurs.
WhatsApp est donc un outil précieux pour les partisans de l’opposition qui craignent les représailles du ZANU-PF ou la surveillance des autorités. Elizabeth Mutandwa raconte qu’elle a reçu des menaces de mort et qu’elle a été agressée par des partisans du parti au pouvoir pour avoir affiché son soutien au CCC. Elle dit aussi que les médias d’État ne couvrent pas les activités de l’opposition et diffusent des fausses informations pour discréditer Chamisa. Grâce à WhatsApp, elle peut contourner ces obstacles et accéder à des sources d’information alternatives.
WhatsApp, un outil de mobilisation et de sensibilisation
En plus de s’informer, les grand-mères utilisent WhatsApp pour mobiliser et sensibiliser leurs proches, leurs voisins et leurs communautés. Elles partagent des messages encourageant les gens à voter pour le changement, à dénoncer les violences électorales et à surveiller le déroulement du scrutin. Elles diffusent aussi des vidéos humoristiques ou satiriques pour se moquer du régime en place et dénoncer ses abus.
Elizabeth Mutandwa explique qu’elle veut convaincre les gens que le vote est important et qu’il peut faire la différence. Elle dit qu’elle a connu la colonisation britannique, la guerre d’indépendance et le règne autoritaire de Robert Mugabe, l’ancien président renversé par le coup d’État de 2017. Elle espère que cette fois-ci, les élections seront libres, justes et transparentes, et qu’elles permettront d’améliorer la situation économique et sociale du pays.
WhatsApp n’est pas le seul moyen de mobilisation utilisé par les grand-mères. Elles participent aussi aux rassemblements organisés par le CCC dans leur région. Elles marchent plusieurs kilomètres en portant les couleurs de leur parti pour assister aux discours de Chamisa ou de ses représentants. Elles distribuent des tracts, des autocollants et des badges aux passants. Elles chantent, dansent et scandent des slogans en faveur du changement.
WhatsApp, un outil à double tranchant
Si WhatsApp offre des avantages indéniables aux partisans de l’opposition, il présente aussi des risques et des limites. D’une part, l’application peut être utilisée à des fins malveillantes, comme la diffusion de fausses informations, de rumeurs, de discours haineux ou de messages incitant à la violence. D’autre part, l’application dépend de la disponibilité et de la qualité du réseau internet, qui peut être perturbé ou coupé par les autorités en période électorale. Enfin, l’application ne touche pas toute la population, notamment les personnes les plus pauvres, les plus âgées ou les moins éduquées, qui n’ont pas accès à un smartphone ou qui ne savent pas s’en servir.
Ces facteurs peuvent limiter l’impact de WhatsApp sur le résultat des élections. Selon les sondages, le président Mnangagwa est favori pour remporter un second mandat, malgré la crise économique et sanitaire que traverse le pays. Le ZANU-PF dispose d’une forte implantation dans les zones rurales, où il bénéficie du soutien des chefs traditionnels et des structures administratives locales. Le CCC, quant à lui, est plus populaire dans les zones urbaines, où il peut compter sur le mécontentement des jeunes, des travailleurs et des classes moyennes.
Les grand-mères ne se découragent pas pour autant. Elles continuent à utiliser WhatsApp pour faire entendre leur voix et exprimer leur espoir. Elles savent que le changement ne se fera pas du jour au lendemain, mais elles croient que chaque geste compte. Elles sont convaincues que WhatsApp est un outil puissant pour défendre leurs droits et leur liberté.