À l’aube, les klaxons des camions se mêlent aux cris des dockers sur le port de Cotonou. Le soleil se lève lentement sur les grues métalliques qui s’activent sans relâche. Ici, chaque conteneur déchargé raconte une histoire de commerce, de transformation, d’ambition. Depuis quelques années, cette ville côtière du Bénin attire l’attention de tout un continent. En silence, mais avec détermination, Cotonou est en train de redessiner la carte économique de l’Afrique de l’Ouest.
Un port en pleine métamorphose
Le port autonome de Cotonou, longtemps considéré comme un simple point de transit régional, connaît une véritable renaissance. Modernisé grâce à un partenariat stratégique avec le Port d’Anvers en Belgique, il a vu ses capacités logistiques multipliées. En 2023, plus de 11 millions de tonnes de marchandises y ont transité, un record pour le Bénin.
« On a doublé notre capacité de traitement en moins de cinq ans », affirme Fiacre Houngbédji, directeur adjoint du port. « Aujourd’hui, nous sommes capables de rivaliser avec les plus grands hubs de la sous-région. »
Les investissements ne s’arrêtent pas là. De nouveaux terminaux à conteneurs, des systèmes de gestion numérique du fret et une meilleure interconnexion ferroviaire sont en cours de déploiement. L’objectif est clair : faire de Cotonou un carrefour logistique incontournable entre le Sahel et l’Atlantique.
Une alternative stratégique à Lomé et Abidjan
Dans la course aux ports les plus compétitifs d’Afrique de l’Ouest, Cotonou s’impose désormais comme une alternative sérieuse à Lomé (Togo) et Abidjan (Côte d’Ivoire). Sa position géographique centrale entre le Nigéria et le Burkina Faso lui confère un avantage naturel.
« Pour nous, acheminer nos produits par Cotonou est devenu plus rapide et moins coûteux », explique Alassane Tiemogo, un importateur burkinabè de pièces détachées. « Avant, on passait par Abidjan ou Tema, mais les délais étaient trop longs. »
Le corridor Cotonou-Niamey-Ouagadougou est désormais l’un des plus fréquentés de la région. Le gouvernement béninois, conscient de cet atout, a renforcé les infrastructures routières et douanières pour fluidifier le trafic. Résultat : les délais de dédouanement ont été réduits de 40 % en moyenne depuis 2021.
Une politique économique tournée vers l’ouverture
Le succès de Cotonou ne tient pas qu’à ses infrastructures. Il est aussi le fruit d’une volonté politique assumée. Depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, le Bénin a misé sur la transparence, la numérisation des services publics et l’amélioration du climat des affaires.
« Le port est devenu un symbole de notre ambition économique », déclare Romuald Wadagni, ministre d’État en charge de l’économie et des finances. « Nous voulons faire du Bénin un pays de services et de transit, au cœur des échanges ouest-africains. »
Cette stratégie porte ses fruits. En 2022, le Bénin a enregistré une croissance de 6,3 %, l’une des plus dynamiques de la région. Les investissements directs étrangers sont en hausse, notamment dans les secteurs du transport, de la logistique et de l’agro-industrie.
Des zones économiques spéciales en plein essor
Autour du port, de vastes zones économiques spéciales (ZES) ont vu le jour. La plus emblématique est sans doute celle de Glo-Djigbé, à une quarantaine de kilomètres de Cotonou. Sur plus de 1 600 hectares, elle accueille déjà des usines de transformation de coton, de noix de cajou et de produits agroalimentaires.
« Nous ne voulons plus être seulement un pays de transit. Nous voulons créer de la valeur sur place », insiste Léonce Gbaguidi, directeur du développement industriel à l’APIEx. « Chaque tonne de cajou transformée localement rapporte trois fois plus que si elle était exportée brute. »
Les autorités misent sur l’industrialisation pour créer des emplois, attirer des capitaux et diversifier l’économie. Plus de 12 000 emplois directs ont déjà été créés dans les ZES, selon les chiffres officiels.
Un pont entre le Sahel enclavé et le monde
Pour les pays sahéliens comme le Niger, le Mali ou le Burkina Faso, Cotonou représente bien plus qu’un simple port. C’est une bouffée d’oxygène. Dans un contexte régional marqué par l’insécurité et les tensions politiques, l’accès à un débouché stable et efficace est crucial.
« Cotonou est notre lien vital avec l’extérieur », confie Issoufou Maïga, commerçant nigérien basé à Maradi. « Quand les routes sont sûres et que les marchandises arrivent à temps, toute l’économie locale respire. »
Le Bénin a su capitaliser sur cette dépendance en tissant des accords bilatéraux avec ses voisins, facilitant le transit et la sécurité des marchandises. Une diplomatie économique discrète, mais redoutablement efficace.
Vers une redéfinition des routes commerciales africaines
Ce qui se joue à Cotonou dépasse les frontières béninoises. C’est toute la géographie commerciale de l’Afrique de l’Ouest qui est en train de se transformer. Les routes traditionnelles, longtemps orientées vers les anciennes puissances coloniales, laissent place à de nouveaux circuits, plus africains, plus intégrés.
Le projet de Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait accélérer cette dynamique. Et dans ce puzzle en recomposition, Cotonou semble déterminé à occuper une place centrale.
« Nous ne sommes plus à la périphérie du commerce mondial », affirme avec fierté une entrepreneure béninoise installée dans la zone portuaire. « Nous sommes en train d’en devenir un des centres. »
Mais cette ambition soulève aussi des défis : congestion urbaine, pression foncière, risques environnementaux. La croissance rapide de Cotonou devra s’accompagner d’une planification urbaine rigoureuse et d’une gouvernance inclusive pour éviter les écueils.
Alors que les conteneurs continuent de s’empiler sur les quais, une question demeure : Cotonou réussira-t-elle à transformer cette effervescence commerciale en véritable moteur de développement durable pour toute la région ?

Ecole de journalisme à Tunis, je traite de beaucoup de sujets liés à l’actualité de mon continent de coeur : Economie, Marché, Politique et Santé … je m’intéresse à tout et à tout le monde.














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