Le report soudain de l’élection présidentielle annoncé le 3 février dernier par le président Macky Sall, à quelques heures seulement du début de la campagne électorale, a provoqué un véritable séisme politique au Sénégal. Dans ce contexte complexe, marqué par des mois de tensions, le ministre de l’Économie du Sénégal Doudou Ka marque sa différence parmi les proches du président en appelant à dépasser les clivages partisans pour sortir de la crise au nom de l’unité de tous les Sénégalais.
Un appel au dialogue et à l’unité
C’est la première fois qu’un membre de la garde rapprochée de Macky Sall annonce une main tendue : interrogé au micro de la radio sénégalaise RFM ce lundi 12 février, le ministre de « l’Économie du Plan et de la Coopération » du Sénégal Doudou Ka a évoqué que le report de l’élection présidentielle, ajournée en décembre prochain, pourrait finalement se tenir plus tôt que prévue, au mois de juin et indiqué être sans aucun tabou sur les termes d’une transition vers l’élection « au nom de l’honneur de la République ». Une prise de position qui tranche avec les déclarations inflexibles d’une large partie du camp présidentiel qui, depuis plusieurs jours, s’en tient coûte que coûte au report du scrutin à l’hiver prochain.
Déjà quelques jours plus tôt, toujours au micro de RFM, c’est le même ministre qui soulignait l’importance de l’unité nationale pour surmonter la crise institutionnelle actuelle de son pays : « Des compromis sont nécessaires et la crise que nous traversons impose aux acteurs d’être à la hauteur » avait-t-il déclaré, mettant en lumière la nécessité d’un dialogue inclusif et constructif entre toutes les forces politiques du pays.
Une prise de position qui n’a pas empêché le ministre, proche historique de Macky Sall, de défendre ce fameux report. Entre candidats contestés — Amadou Ba — et candidats contestataires — Wade et Sonko — l’élection, de l’aveu de la plupart des observateurs, ne s’annonçait pas sous les meilleurs auspices. Reporter les élections ? Un « impératif démocratique catégorique » selon le ministre, seule manière selon lui de sortir du contexte politique délétère que traversait le pays.
« Le chef de l’État ne s’agrippe pas au pouvoir, il l’a annoncé clairement le 3 juillet dernier lors de son allocution. » a-t-il ajouté « Mais le Président a pris la décision de repousser les élections, et c’est un impératif démocratique catégorique. Après tout, “gouverner c’est prévoir’ ».
Vers un consensus national
Un mantra au cœur des dernières interventions du ministre : l’appel à un consensus national sur la nouvelle date de l’élection présidentielle et sur les modalités de son organisation. « Ce décalage de la date de la prochaine élection présidentielle doit être l’objet d’un consensus de tous les Sénégalais. La date du 15 décembre est le choix de seulement une partie d’entre eux et de la majorité présidentielle. Nous devons travailler à un consensus collectif, » a-t-il plaidé, marquant ainsi une ouverture significative vers l’opposition et les autres acteurs du champ politique sénégalais. Une main tendue pour sortir de la paralysie : car le Ministre chargé de l’économie, ingénieur de formation et connu au Sénégal pour les grands travaux entrepris sous son mandat, s’inquiète des risques d’inertie économique provoquée par la crise politique durables et des conséquences fâcheuses sur la croissance et le secteur privé largement informel. Le FMI projetait que le Sénégal aurait avec 8,3% l’une des plus fortes croissances en Afrique en 2024.
Le report de l’élection présidentielle survient dans un climat de tensions exacerbées les conflits politiques et institutionnels au Sénégal. Les mois précédant l’annonce ont été marqués par des manifestations violentes, soulignant les fractures profondes au sein de la société sénégalaise. Les appels de Doudou Ka à l’unité, au dialogue et au consensus seront-ils entendus ?