Madagascar est une île située dans l’océan Indien, au large de la côte est de l’Afrique. Elle est connue pour sa biodiversité exceptionnelle, sa culture riche et variée, et son histoire marquée par la colonisation française. Parmi les épisodes les plus sombres de cette période, il y a la répression sanglante des révoltes des peuples malgaches contre l’occupant, qui a fait des milliers de morts et de prisonniers.
Certains de ces résistants ont été décapités par les troupes coloniales, et leurs crânes ont été emportés en France pour être exposés ou étudiés comme des objets ethnographiques. Aujourd’hui, ces restes humains sont conservés au Musée de l’Homme à Paris, où ils attendent une restitution qui tarde à venir.
Qui sont ces crânes que Madagascar réclame à la France ?
Madagascar réclame trois crânes appartenant au peuple Sakalave, qui vit dans l’ouest de l’île. Ils ont été collectés à la fin du XIXe siècle, en pleine conquête coloniale, par le naturaliste Guillaume Grandidier. Parmi eux, il y a celui du roi Toera, décapité en 1897 à Ambiky, ancienne capitale royale du Menabe, lors d’une attaque des troupes françaises pour mater une rébellion. Toera était le dernier roi d’une dynastie remontant au XVIIe siècle, et il est devenu un symbole de la résistance malgache à la colonisation.
Voici une vidéo montrant ce musée :
Les deux autres crânes sont ceux de deux guerriers sakalaves, dont les noms ne sont pas connus. Ils ont été tués lors d’une bataille en 1898 à Morondava, où les Sakalaves ont tenté de repousser les Français qui voulaient s’emparer du port stratégique. Ces crânes ont été envoyés au Musée d’histoire naturelle de Paris, puis transférés au Musée de l’Homme en 1938.
Pourquoi ces crânes sont-ils importants pour les Malgaches ?
Ces crânes ne sont pas de simples ossements. Ils sont porteurs d’une mémoire historique et d’une identité culturelle pour les Malgaches. Chez les Sakalaves, le culte des ancêtres est très important. Tous les quatre ans, des milliers de personnes se réunissent autour du bain dans un fleuve des reliques royales célébrant leurs ancêtres. Le crâne du roi Toera fait partie de ces reliques sacrées, mais il manque à l’appel depuis plus d’un siècle. Son absence est vécue comme une blessure par les Sakalaves, qui souhaitent le récupérer pour lui rendre hommage et le réintégrer dans son tombeau.
Les autres crânes sont également chargés de sens pour les Malgaches. Ils représentent le courage et le sacrifice de ceux qui se sont battus pour la liberté et la souveraineté de leur pays face à l’oppression coloniale. Ils sont aussi le témoignage d’une violence et d’une injustice qui ont marqué l’histoire de Madagascar. Les restituer serait un geste de reconnaissance et de réparation pour les victimes et leurs descendants.
Quels sont les obstacles à la restitution des crânes ?
La restitution des crânes n’est pas une affaire simple. Elle implique des enjeux juridiques, scientifiques et politiques. Du côté français, il faut créer une dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques, qui interdit normalement de céder des biens appartenant au patrimoine national. Une proposition de loi sur la restitution à des États étrangers de restes humains appartenant aux collections publiques a été déposée le 26 avril 2023 au Sénat, et doit être adoptée définitivement le 20 décembre 2023. Cette loi vise à simplifier la procédure de restitution, qui jusqu’ici se faisait au cas par cas, comme pour la Vénus hottentote rendue à l’Afrique du Sud en 2002.
Du côté malgache, il faut s’assurer de l’authenticité des crânes, qui n’ont pas été enregistrés de manière précise au moment de leur collecte. Des analyses ADN sont nécessaires pour confirmer leur origine et leur identité. Il faut aussi prévoir les conditions de leur rapatriement, de leur conservation et de leur exposition. Le gouvernement malgache a créé une commission nationale chargée de suivre le dossier des restitutions, et a sollicité l’aide de l’Unesco pour accompagner le processus.
Quel est l’avenir des restitutions de restes humains ?
La restitution des crânes de Madagascar n’est pas un cas isolé. De nombreux pays ont réclamé à la France la restitution de restes humains appartenant à leurs peuples autochtones, victimes de la colonisation ou du racisme scientifique. C’est le cas de l’Algérie, qui a déjà reçu 24 crânes en 2020, de l’Argentine, qui demande les restes du cacique Liempichun Sakamata depuis 2015, ou encore de l’Australie, qui sollicite les restes de 55 aborigènes ou insulaires du détroit de Torrès depuis 2009.
Ces demandes sont le signe d’une prise de conscience mondiale sur la nécessité de respecter la dignité des peuples et des cultures, et de réparer les torts causés par le passé. Elles sont aussi l’occasion d’un dialogue entre les pays concernés, et d’une coopération entre les institutions muséales et les communautés d’origine. La restitution des restes humains n’est pas une perte pour la science, mais une opportunité pour la connaissance. Elle permet de renouveler les recherches, de valoriser les sources locales, et de favoriser les échanges interculturels.
La restitution des crânes de Madagascar est donc un enjeu majeur pour l’histoire et la mémoire des deux pays. Elle est attendue avec impatience par les Malgaches, qui espèrent retrouver une partie de leur patrimoine et de leur identité. Elle est aussi un geste fort de la part de la France, qui reconnaît ainsi sa responsabilité dans les crimes coloniaux, et qui témoigne de son respect pour la culture et la souveraineté malgaches.