L’Égypte s’apprête à vivre une élection présidentielle sans suspense, qui devrait voir le président sortant Abdel Fattah al-Sissi remporter un troisième mandat, malgré la très mauvaise situation économique et sociale du pays. Comment le chef de l’État égyptien compte-t-il se maintenir au pouvoir face à une opposition réduite au silence et à une population mécontente ? Voici quelques éléments de réponse.
Un bilan revendiqué comme positif
Le président al-Sissi a annoncé sa candidature le 2 octobre, lors d’une conférence durant laquelle il a déroulé dix ans de succès depuis qu’il a renversé l’islamiste Mohamed Morsi en 2013. Il a mis en avant ses grands projets d’infrastructures, comme le doublement du canal de Suez, la construction d’une nouvelle capitale administrative ou encore la mise en place de centrales solaires. Il a également affirmé avoir restauré la sécurité et la stabilité du pays, après les soulèvements populaires de 2011 et 2013, et avoir combattu le terrorisme, notamment dans le Sinaï où sévit une branche locale de l’État islamique.
Voici une vidéo relatant cette nouvelle :
Une réforme constitutionnelle sur mesure
Pour se présenter à un troisième mandat, le président al-Sissi a fait adopter en 2019 une réforme constitutionnelle qui lui permet de prolonger son mandat actuel de quatre à six ans, jusqu’en 2024, et de se représenter pour un nouveau mandat de six ans à cette date. La réforme accorde également plus de pouvoirs au président, qui peut nommer les juges et les procureurs, ainsi qu’au Parlement, dominé par ses partisans, qui peut destituer le chef de l’État en cas de “violation grave” de ses fonctions. La réforme renforce aussi le rôle de l’armée, dont est issu le président al-Sissi, en lui donnant la mission de “protéger la Constitution et la démocratie”.
Une opposition muselée
Face au président sortant, peu de candidats osent se présenter. Les principaux leaders de l’opposition sont soit emprisonnés, soit exilés, soit interdits de se présenter. Les partis historiques peinent à mobiliser leurs militants et à recueillir les signatures nécessaires pour valider leurs candidatures. Les rares opposants qui critiquent ouvertement le président al-Sissi et son régime font face à des intimidations, des arrestations ou des agressions. Certains ont même renoncé à se présenter, dénonçant un climat d'”insécurité” et d'”injustice”. Le seul candidat qui semble avoir une chance de se présenter est Ahmed al-Tantawy, un ex-député qui recueille les signatures des citoyens à travers le pays.
Une population désabusée
L’élection présidentielle ne suscite guère d’enthousiasme parmi les Égyptiens, qui subissent les conséquences d’une grave crise économique et sociale. Le pays fait face à une inflation galopante, à une pénurie de produits de première nécessité, à une hausse du chômage et à une baisse du pouvoir d’achat. Le gouvernement a mis en place un plan d’austérité en échange d’un prêt du Fonds monétaire international (FMI), qui implique des coupes dans les subventions publiques, des hausses d’impôts et des privatisations. La population souffre également d’un manque de libertés publiques et individuelles, dans un contexte de répression accrue des médias, des ONG, des militants des droits humains et des minorités religieuses.
Une victoire annoncée
Malgré ce tableau sombre, le président al-Sissi semble assuré de remporter l’élection présidentielle, qui se tiendra du 10 au 12 décembre. Il bénéficie du soutien des institutions étatiques, des médias officiels, du monde des affaires et d’une partie de la population qui lui reconnaît son rôle dans le maintien de l’ordre et la lutte contre le terrorisme. Il dispose également d’une importante machine électorale, qui organise des rassemblements de masse et des campagnes de sensibilisation pour inciter les électeurs à voter. Le principal enjeu du scrutin sera donc le taux de participation, qui sera un indicateur de la popularité du président et de la crédibilité du processus électoral.