Paris, le 24 septembre 2023, Pierre Kayondo a été arrêté pour sa présumée implication dans le génocide de 1994 au Rwanda. Cette arrestation intervient à la suite d’une longue enquête sur son rôle présumé dans l’organisation et la facilitation des massacres de la minorité Tutsi dans la région de Gitarama, où il occupait le poste de député. De plus, Kayondo est également accusé d’être actionnaire de la radio Mille Collines, une station de radio qui a diffusé des incitations à la haine et au meurtre pendant cette période sombre de l’histoire rwandaise.
Qui est Pierre Kayondo ?
Pierre Kayondo est né aux alentours de 1953 au Rwanda, où il appartient à l’ethnie majoritaire des Hutus. Après avoir poursuivi des études de droit, il devient avocat avant de se lancer dans la sphère politique en rejoignant le MRNDD, le parti du président Juvénal Habyarimana, assassiné en avril 1994, un événement qui a déclenché le génocide. En 1992, Kayondo est nommé préfet de Kibuye, une province de l’ouest du Rwanda, où résident de nombreuses personnes de l’ethnie Tutsi. Il y reste jusqu’en février 1994, date à laquelle il est élu député de la préfecture de Gitarama, située au centre du pays.
Voici une vidéo relatant cette nouvelle :
Le rôle présumé de Kayondo dans le génocide
Les charges pesant contre Pierre Kayondo sont graves. Selon une plainte déposée en septembre 2021 par le Collectif des parties civiles du Rwanda (CPCR), une organisation en France qui traque les présumés génocidaires, Kayondo aurait joué un rôle actif dans l’organisation des tueries à Ruhango et Tambwe, toutes deux situées dans la préfecture de Gitarama. Il aurait facilité la formation de groupes de miliciens interahamwe, fourni des armes et participé à des réunions visant à coordonner les massacres.
Le CPCR affirme avoir recueilli plusieurs témoignages accablants contre Kayondo, l’accusant notamment d’avoir ordonné ou supervisé des tueries dans des églises, des écoles et des collines où des Tutsi s’étaient réfugiés. Il est également accusé d’avoir distribué des machettes et des gourdins aux miliciens interahamwe, qui ont agi comme le bras armé du génocide.
Pierre Kayondo est également accusé d’être actionnaire de la radio Mille Collines, une station de radio qui a joué un rôle majeur dans la diffusion de la propagande génocidaire et dans la coordination des massacres.
Son arrestation en France
Après avoir fui le Rwanda à la fin du génocide en juillet 1994, lorsque le Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagame, a pris le pouvoir, Pierre Kayondo a trouvé refuge en France. Il y a vécu pendant près de trois décennies, principalement au Havre, dans le nord-ouest du pays.
Son arrestation fait suite à une enquête approfondie en France, ouverte fin 2021 à la suite de la plainte déposée par le CPCR. Mardi dernier, il a été interpellé par les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), agissant sur la base d’un mandat d’amener émis par un juge d’instruction français.
Le même jour, Pierre Kayondo a été présenté à ce juge d’instruction, qui l’a mis en examen pour génocide, complicité de génocide, complicité de crimes contre l’humanité et entente en vue de commettre ces crimes. Il a ensuite été placé en détention provisoire dans l’attente de la poursuite de la procédure.
Les suites judiciaires possibles
Pierre Kayondo est l’un des nombreux Rwandais soupçonnés d’avoir participé au génocide et visés par la justice française en vertu du principe de compétence universelle, qui autorise la France à juger des crimes graves commis à l’étranger. Pendant de nombreuses années, la France a été critiquée pour son apparente complaisance envers les présumés génocidaires, en raison de ses liens avec l’ancien régime rwandais dirigé par Habyarimana.
Cependant, ces dernières années, la justice française a intensifié ses efforts pour traiter les dossiers liés au génocide rwandais. Quatre procès ont déjà eu lieu devant les cours d’assises françaises, conduisant à la condamnation à la réclusion à perpétuité de cinq accusés. Deux autres procès sont prévus prochainement, notamment celui de l’ancien gendarme Philippe Hategekimana, qui a fait appel de sa condamnation en juin, et celui du médecin Sosthène Munyemana, dont le procès doit commencer en novembre.
Il est probable que le procès de Pierre Kayondo prenne plusieurs années avant de se dérouler, car il devra attendre la fin de l’instruction et l’examen d’éventuels recours.
Le génocide au Rwanda a été une tragédie majeure, entraînant la mort de plus de 800 000 personnes, principalement des Tutsis, entre avril et juillet 1994. Les auteurs de ces crimes horribles continuent d’être traduits en justice dans le cadre d’efforts internationaux visant à faire rendre des comptes pour les atrocités commises lors de cette période sombre de l’histoire rwandaise.