Dans les ruelles animées de Dakar, un jeune homme fixe l’écran de son téléphone. Il lit les dernières nouvelles d’un mouvement citoyen qui prend de l’ampleur. Autour de lui, d’autres visages, tout aussi jeunes, débattent, s’organisent, rêvent. L’Afrique change, et ce sont ses enfants qui tiennent désormais la plume de l’Histoire.
Une génération connectée et consciente
Jamais la jeunesse africaine n’a été aussi nombreuse. Plus de 60 % de la population du continent a moins de 25 ans. Cette force démographique, longtemps perçue comme un défi, devient aujourd’hui un levier de transformation politique.
« Avant, on nous disait d’attendre notre tour. Maintenant, on crée notre propre espace », affirme Fatou Ndiaye, 24 ans, étudiante en sciences politiques à Ouagadougou. Elle fait partie d’un collectif qui milite pour la transparence électorale au Burkina Faso.
Les réseaux sociaux ont bouleversé les règles du jeu. Facebook, Twitter, TikTok ou WhatsApp sont devenus des outils de mobilisation, de dénonciation, mais aussi d’éducation civique. En Ouganda, le hashtag #FreeBobiWine a rassemblé des milliers de jeunes autour du chanteur devenu opposant politique. En Algérie, c’est sur Telegram que les jeunes du Hirak ont coordonné leurs marches pacifiques.
Selon une étude du Centre africain pour les statistiques, plus de 75 % des jeunes Africains urbains utilisent leur smartphone pour suivre l’actualité politique. Une génération informée, critique, et prête à agir.
Des mouvements nés dans la rue
Les rues de plusieurs capitales africaines ont récemment vibré au rythme de slogans portés par la jeunesse. De Lagos à Kinshasa, de Tunis à Antananarivo, les jeunes sont descendus massivement pour réclamer des réformes, dénoncer la corruption ou exiger la fin des abus policiers.
Au Nigeria, le mouvement #EndSARS a marqué un tournant. Parti d’une protestation contre une unité spéciale de la police accusée de violences, il s’est transformé en un cri collectif contre les injustices systémiques. « On ne voulait plus avoir peur. On voulait juste respirer », confie Chinedu, 22 ans, l’un des organisateurs des manifestations à Abuja.
Au Soudan, en 2019, ce sont des étudiants et de jeunes professionnels qui ont tenu tête au régime d’Omar el-Béchir. Pendant des semaines, ils ont occupé les places publiques, chanté, dessiné, débattu. Leur courage a conduit à la chute d’un pouvoir vieux de trois décennies.
Ces mouvements, souvent spontanés, s’appuient sur une organisation horizontale, sans leader unique, mais avec une vision commune : celle d’un avenir plus juste et plus libre.
Quand la musique devient arme politique
Dans les rues, mais aussi dans les studios, la jeunesse fait entendre sa voix. Le hip-hop, le reggae, l’afrobeat ou encore le slam sont devenus des vecteurs de contestation politique.
« Nos rimes parlent de ce que les bulletins de vote taisent », lance Bamba Sy, rappeur malien engagé. Son dernier album, Révolution silencieuse, a été écouté plus de deux millions de fois sur les plateformes de streaming.
Au Sénégal, le collectif Y’en a Marre, formé par des rappeurs et des journalistes, a joué un rôle clé lors des élections de 2012. Leur mot d’ordre : « le changement ne viendra pas d’en haut ». Grâce à leurs chansons, ils ont sensibilisé des milliers de jeunes à l’importance du vote et de la participation citoyenne.
La musique, en Afrique, ne se contente plus de faire danser. Elle informe, mobilise, et parfois même, dérange. Certains artistes paient le prix fort : arrestations, censures, menaces. Mais leur impact, lui, est bien réel.
Des candidatures audacieuses
La jeunesse ne se contente plus de manifester. Elle veut aussi gouverner. Dans plusieurs pays, de jeunes candidats se lancent dans la course au pouvoir, souvent contre des figures politiques installées depuis des décennies.
En Zambie, Hakainde Hichilema, élu président en 2021, a bénéficié d’un soutien massif des jeunes. « Il parlait notre langue, celle de l’emploi, de l’éducation, de l’avenir », explique Luyando, 19 ans, étudiante à Lusaka.
Au Rwanda, Diane Rwigara, bien que disqualifiée de la présidentielle de 2017, a marqué les esprits par son audace. À seulement 35 ans, elle a osé défier Paul Kagame, symbole d’un pouvoir fort et centralisé.
Ces candidatures, souvent marginalisées par les médias traditionnels, trouvent un écho puissant sur les réseaux sociaux. Elles incarnent un renouveau, une rupture, un espoir.
Des défis encore immenses
Mais l’enthousiasme ne suffit pas toujours. La jeunesse africaine fait face à des obstacles tenaces : chômage massif, répression, manipulation politique, manque de financement pour ses initiatives.
Selon la Banque africaine de développement, près de 40 % des jeunes Africains sont au chômage ou sous-employés. Une frustration qui peut se transformer en colère… ou en résignation.
« On nous écoute quand on crie, mais pas quand on propose », déplore Sarah, 26 ans, membre d’une ONG citoyenne à Kinshasa. Elle raconte comment les autorités locales ignorent systématiquement les recommandations de son groupe, pourtant composé de jeunes diplômés.
La répression reste aussi une réalité. Arrestations arbitraires, coupures d’Internet, lois liberticides : les gouvernements n’hésitent pas à museler cette jeunesse trop turbulente à leur goût.
Un avenir qui se dessine à petits pas
Malgré tout, les graines sont semées. De plus en plus de jeunes s’inscrivent sur les listes électorales, participent à des débats publics, créent des applications de suivi budgétaire ou des plateformes de fact-checking.
Au Bénin, une start-up dirigée par des jeunes a mis en place un chatbot qui explique les droits constitutionnels en langues locales. En Côte d’Ivoire, des collectifs de jeunes organisent des simulations électorales dans les lycées pour initier les futurs citoyens.
« Ce n’est pas une révolution éclair, mais une transformation lente et profonde », analyse le politologue camerounais Didier Mbassi. « La jeunesse africaine ne veut pas seulement changer les visages du pouvoir. Elle veut changer les règles du jeu. »
Et si c’était là, justement, le vrai pouvoir de cette génération ? Non pas de renverser, mais de reconstruire. Pas de suivre, mais de tracer une nouvelle route. L’Afrique regarde vers l’avenir. Et ce sont ses jeunes qui tiennent la boussole.

Ecole de journalisme à Tunis, je traite de beaucoup de sujets liés à l’actualité de mon continent de coeur : Economie, Marché, Politique et Santé … je m’intéresse à tout et à tout le monde.













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