Le Sénégal, considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, connaît une situation inédite. Le président Macky Sall a annoncé le report sine die de l’élection présidentielle qui devait se tenir le 25 février 2024.
Cette décision intervient après la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur le processus électoral, suite à l’invalidation de la candidature de Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, pour cause de double nationalité. Quelles sont les raisons et les enjeux de ce report ? Quelles sont les réactions des acteurs politiques et de la société civile ? Quelles sont les perspectives pour la sortie de crise ?
Un report motivé par un conflit entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire
Le président Macky Sall a justifié son report de l’élection présidentielle par la volonté de respecter la séparation des pouvoirs et de garantir la transparence du processus électoral. Il a invoqué un « conflit ouvert » entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, l’organe chargé de valider les candidatures à la présidentielle. En effet, le Parti démocratique sénégalais (PDS), le principal parti d’opposition, a accusé deux juges du Conseil constitutionnel d’avoir été corrompus pour écarter Karim Wade du scrutin.
Voici une vidéo relatant ces faits :
Le PDS a demandé et obtenu la création d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur cette affaire. Le Conseil constitutionnel a réfuté ces allégations et affirmé son indépendance et son impartialité. Le président Macky Sall a déclaré qu’il attendait les résultats de cette commission avant de convoquer à nouveau le corps électoral.
Un report contesté par l’opposition et la société civile
Le report de l’élection présidentielle a suscité la colère et l’indignation de l’opposition et de la société civile, qui y voient une manœuvre du président Macky Sall pour se maintenir au pouvoir. Ils accusent le chef de l’État d’avoir violé la Constitution, qui prévoit que le mandat présidentiel est de cinq ans renouvelable une fois, et que l’élection présidentielle doit avoir lieu 35 jours au moins et 90 jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président en exercice.
Ils dénoncent également un coup de force contre le Conseil constitutionnel, qui avait validé 20 candidatures sur 62 à la présidentielle, dont celle du Premier ministre Amadou Bâ, désigné comme dauphin par Macky Sall. Ils réclament le respect du calendrier électoral initialement prévu et appellent à la mobilisation populaire pour défendre la démocratie.
Un report qui ouvre une période d’incertitude et de dialogue
Le report de l’élection présidentielle plonge le Sénégal dans une période d’incertitude et de dialogue. Le président Macky Sall a proposé d’engager un dialogue national ouvert avec toutes les forces vives de la nation, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive. Il a également appelé au calme et à la sérénité, en évitant toute violence ou provocation.
Le PDS a accepté le principe du dialogue, mais a posé comme préalable le respect du calendrier électoral initial. D’autres partis d’opposition ont refusé de participer au dialogue, estimant qu’il s’agit d’une diversion. La société civile a exprimé sa disponibilité à jouer un rôle de médiation et d’observation, tout en demandant au président Macky Sall de clarifier sa position sur son éventuelle candidature à un troisième mandat.
Le report de l’élection présidentielle au Sénégal est un événement historique qui met à l’épreuve la stabilité politique et la maturité démocratique du pays. Il pose des questions sur la crédibilité des institutions, la légitimité du pouvoir, le respect des règles constitutionnelles et le dialogue entre les acteurs politiques. Il appelle à une solution consensuelle et pacifique, qui préserve l’intérêt supérieur de la nation et le bien-être des citoyens.