Le 26 juillet 2023, un coup d’État militaire a renversé le président Mohamed Bazoum, élu démocratiquement en février, et installé une junte au pouvoir à Niamey. Depuis lors, les relations entre la France et le Niger se sont fortement dégradées, notamment sur la question de la coopération militaire. La junte a exigé le retrait immédiat des quelque 1 500 soldats français présents au Niger pour participer à la lutte antiterroriste dans le cadre de l’opération Barkhane et d’accords bilatéraux.
La France a refusé de reconnaître la légitimité du régime militaire et a suspendu sa coopération antiterroriste avec le Niger. Des discussions sont en cours entre des militaires français et des officiers nigériens sur un éventuel retrait partiel de certains éléments militaires français qui ne servent plus. Quelles sont les enjeux et les perspectives de cette situation ?
Un partenariat stratégique remis en cause
La France et le Niger entretiennent des liens historiques et stratégiques depuis l’indépendance du pays en 1960. Le Niger est un allié essentiel de la France dans la région du Sahel, où sévissent plusieurs groupes armés terroristes liés à Al-Qaïda ou à l’État islamique. Le Niger accueille sur son territoire une base aérienne projetée (BAP) à Niamey, qui abrite des avions de combat, des drones et des hélicoptères français, ainsi qu’un détachement de l’opération Almahaou à Ouallam, dans le Liptako nigérien, qui mène des opérations conjointes avec les forces armées nigériennes (FAN). Le Niger est aussi un pays riche en uranium, dont la France est le premier client à travers le groupe Areva, qui exploite deux mines à Arlit et à Imouraren.
Voici une vidéo relatant cette nouvelle :
Le coup d’État du 26 juillet a bouleversé ce partenariat. Les putschistes ont accusé la France d’ingérence dans les affaires intérieures du Niger et de soutenir le président déchu Mohamed Bazoum, issu du parti au pouvoir depuis dix ans. Ils ont également dénoncé plusieurs accords militaires signés entre les deux pays, dont l’un prévoyait un préavis d’un mois pour le retrait des troupes françaises. Ils ont réclamé le départ immédiat de l’ambassadeur de France, Sylvain Itté, et ordonné son expulsion, ce que Paris a refusé.
Une coopération antiterroriste suspendue
Face à cette situation, la France a adopté une position ferme. Le président Emmanuel Macron a condamné le coup d’État et appelé au rétablissement de l’ordre constitutionnel et au respect du processus électoral. Il a également affirmé qu’il échangeait quotidiennement avec le président Bazoum, qu’il considère comme le seul chef d’État légitime du Niger. La France a également suspendu sa coopération antiterroriste avec le Niger, en arrêtant les vols de ses avions de combat, de ses drones et de ses hélicoptères depuis la BAP de Niamey. Elle a également cessé les opérations conjointes avec les FAN dans le Liptako nigérien, où les groupes terroristes sont particulièrement actifs.
Cette suspension représente un risque sécuritaire important pour le Niger, qui fait face à une menace terroriste croissante sur son territoire. Selon l’ONU, plus de 300 civils ont été tués par des attaques terroristes au Niger depuis janvier 2023. Le pays est aussi confronté à une crise humanitaire, avec plus de 2 millions de personnes déplacées internes et plus de 200 000 réfugiés venant des pays voisins. La suspension de la coopération antiterroriste française pourrait donc avoir des conséquences dramatiques pour la population nigérienne.
Un retrait partiel envisagé
Toutefois, la France n’a pas rompu totalement le dialogue avec le Niger. Des discussions ont lieu entre des militaires français et des officiers nigériens sur un éventuel retrait partiel de certains éléments militaires français qui ne servent plus. Il s’agit notamment des trois Mirage 2000, des quatre drones Reaper et de certains hélicoptères qui sont cloués au sol depuis la suspension de la coopération antiterroriste. L’état-major des forces françaises au Sahel, stationné à Ndjamena au Tchad, est à la manœuvre pour préparer le rapatriement de ces matériels sensibles et précieux, ainsi que des personnels qui les servent.
En revanche, le retrait du gros de la troupe, environ un millier d’hommes, n’est pour le moment pas envisagé, selon les sources militaires françaises. Les 150 soldats français de l’opération Almahaou stationnés à Ouallam restent également, assurent-ils. La France ne veut pas donner l’impression qu’elle cède aux exigences de la junte et qu’elle abandonne le Niger à son sort. Elle espère aussi que la situation politique se stabilise rapidement et que le dialogue avec les autorités civiles soit rétabli.
Une perspective incertaine
La crise politique et sécuritaire que traverse le Niger met à mal la présence militaire française dans ce pays. La France se trouve dans une position délicate, entre le respect de ses principes démocratiques et le maintien de ses intérêts stratégiques. Elle doit aussi composer avec la montée de l’anti-françaisisme au Niger, où des manifestations ont eu lieu pour réclamer le départ des troupes françaises. La France doit également tenir compte du contexte régional, où elle a annoncé une réduction progressive de ses effectifs militaires dans le cadre de la transformation de l’opération Barkhane en une alliance internationale plus large.
La présence militaire française au Niger est donc soumise à une forte incertitude. Elle dépendra de l’évolution de la situation politique au Niger, du respect des engagements pris par la junte en matière de transition démocratique, du niveau de la menace terroriste sur le territoire nigérien et de la volonté des partenaires régionaux et internationaux de s’impliquer davantage dans la lutte antiterroriste au Sahel.