Le Kenya est devenu une destination prisée des géants de la tech américains, qui y voient un vivier de jeunes talents et d’innovations. Le président kényan, William Ruto, a récemment effectué une visite de deux jours dans la Silicon Valley pour promouvoir les atouts de son pays et nouer des partenariats avec des entreprises comme Apple, Microsoft ou Google. Quels sont les facteurs qui expliquent l’essor de la tech au Kenya et quels sont les enjeux pour le développement du pays ?
Un écosystème dynamique et innovant
Le Kenya est souvent surnommé la « Silicon Savannah », en référence à la Silicon Valley et à la savane africaine. Il s’agit d’un écosystème technologique qui s’est développé à l’est de Nairobi, la capitale du pays, où se concentrent des centres de recherche, des incubateurs, des start-up et des investisseurs. Le Kenya est considéré comme un leader de l’innovation numérique en Afrique, notamment dans les domaines de la finance, de l’éducation, de l’agriculture et de la santé.
Le pays a été le pionnier du mobile money, un système de paiement par téléphone portable qui permet aux personnes non bancarisées d’accéder à des services financiers. Le service le plus populaire est M-Pesa, lancé en 2007 par l’opérateur Safaricom, qui compte plus de 40 millions d’utilisateurs au Kenya et dans d’autres pays africains. M-Pesa a permis de réduire la pauvreté, d’améliorer l’inclusion financière et de stimuler l’entrepreneuriat.
Voici ce qu’est le GAFAM :
Le Kenya a également été le berceau de nombreuses innovations sociales et environnementales, comme Ushahidi, une plateforme de cartographie participative qui permet aux citoyens de signaler des incidents ou des besoins lors de crises humanitaires ou électorales ; BRCK, un dispositif qui fournit une connexion internet dans les zones reculées ou sans électricité ; ou encore AB3D, une start-up qui fabrique des prothèses bioniques à partir de déchets électroniques.
Une main-d’œuvre qualifiée qui profite aux GAFAM
Le Kenya dispose d’une main-d’œuvre qualifiée dans le domaine du numérique, grâce à un système éducatif qui intègre l’apprentissage du codage informatique dès l’école primaire. Le pays compte également plusieurs universités et instituts qui forment des ingénieurs, des développeurs et des entrepreneurs. Le président kényan, William Ruto, a fait de la formation des jeunes aux métiers du numérique une priorité de son mandat.
Cette main-d’œuvre qualifiée et bon marché représente un avantage indéniable pour les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), qui ont installé leurs bases régionales à Nairobi. Ces entreprises bénéficient du savoir-faire local pour développer leurs produits et services adaptés au marché africain, mais aussi pour recruter des talents qui peuvent travailler sur des projets globaux.
Par exemple, Microsoft a ouvert en 2019 son premier centre de développement en Afrique à Nairobi, où travaillent plus de 200 ingénieurs kényans sur des technologies comme l’intelligence artificielle, le cloud ou la blockchain. Google a également inauguré en 2020 son premier laboratoire d’intelligence artificielle en Afrique à Nairobi, où sont menées des recherches sur des applications liées à la santé, à l’agriculture ou à l’éducation. Apple envisage quant à lui d’installer à Nairobi sa propre académie de développeurs.
Un défi pour les start-up kényanes
Si les GAFAM sont attirés par le potentiel technologique du Kenya, ils représentent aussi une concurrence redoutable pour les start-up kényanes, qui peinent à retenir leurs meilleurs éléments face aux salaires plus élevés proposés par les géants américains. Selon une étude du cabinet Partech Africa, 40% des développeurs kényans ont déjà rejoint les rangs des GAFAM.
Les start-up kényanes doivent également faire face à un manque de financement, malgré une augmentation des levées de fonds ces dernières années. En 2022, les start-up kényanes ont attiré près de 500 millions d’euros de fonds, soit deux fois plus qu’en 2021. Le Kenya se rapproche ainsi du Nigeria, qui domine le classement africain avec plus de 700 millions d’euros levés en 2022. Toutefois, ces montants restent faibles comparés à ceux des start-up européennes ou américaines.
Les start-up kényanes doivent également faire face à un environnement réglementaire incertain, qui peut freiner leur croissance ou leur accès au marché. Par exemple, le gouvernement kényan a imposé en 2019 une taxe de 1,5% sur les transactions numériques, qui affecte les services de mobile money comme M-Pesa. Le gouvernement kényan a également adopté en 2020 une loi sur la protection des données personnelles, qui impose des obligations aux acteurs du numérique en matière de collecte, de traitement et de transfert des données.
Une opportunité pour le développement du pays
Le secteur du numérique représente une opportunité pour le développement économique et social du Kenya, qui ambitionne de devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici 2030. Le numérique contribue à la création d’emplois, à la diversification de l’économie, à l’amélioration de la productivité et à la résolution de problèmes sociaux et environnementaux.
Le président kényan, William Ruto, a fait du numérique un axe stratégique de son plan de développement « Vision 2030 », qui vise à faire du Kenya un hub régional et continental de l’innovation. Pour cela, il mise sur le renforcement des infrastructures numériques, comme la fibre optique ou le réseau 5G ; le soutien aux start-up et aux incubateurs ; la promotion de l’entrepreneuriat et de l’écosystème technologique ; et la coopération avec les partenaires internationaux, notamment les GAFAM.
Le Kenya espère ainsi tirer profit de la révolution numérique pour accélérer sa croissance économique, réduire la pauvreté, améliorer l’accès aux services publics et renforcer sa compétitivité sur le marché mondial.