L’industrie médiatique africaine s’effondre avec une rapidité sans précédents suite à la crise économique due au covid-19. Malgré d’importants plans de licenciements ainsi que des réductions d’horaires et de salaires, les entreprises n’arrivent pas à sortir la tête de l’eau. C’est le cas de The Punch et Vanguard, deux célèbres quotidiens au Nigeria.
Résultat, des centaines d’emplois supprimés dus et à la chute des revenus combinés à la hausse des coûts. Le patron de l’autorité de régulation du Kenya, David Omwoyo, explique que les stations de télévision et de radio ne sont pas épargnées par la crise. Au Ouganda, une importante imprimerie d’hebdomadaires ferme, c’est toute l’industrie qui est touchée.
Crise économique et logistique
Les pénuries d’électricité et les défaillances des services internet s’ajoutent aux difficultés, compromettant le maintien de l’activité en télétravail. Sur le terrain, on enregistre des incidents durant lesquels les forces de sécurité harcèlent des reporters qui tentent de faire leur travail. Deux journalistes auraient été agressés au Ghana en avril, par des soldats encadrant le dispositif de lutte contre l’épidémie, nous rapportent le Comité pour la protection des journalistes (ONG basée aux Etats-Unis).
Vendredi dernier, le Kenya annonce la création d’un fond « historique » d’environ 900.000 euros pour permettre à 150 médias de résister au naufrage. Mais tous n’ont pas encore répondu à l’appel. Au Cameroun, des journaux privés ont organisé une journée “presse morte” pour dénoncer l’inaction du gouvernement face à cette crise.
Dépendance des médias
Le principal syndicat journalistique nigérian demande une aide d’urgence au président Muhammadu Buhari. Pour certains, cela signerait la fin de la liberté de la presse. Olubunmi Ajibade, professeur de l’Université de Lagos explique que “recueillir des fonds de sauvetage auprès du gouvernement en ce moment compromettra leur indépendance et leur liberté”.
Selon lui, les médias nigérians subissent déjà du harcèlement de la part du gouvernement : « De nombreux journalistes sont régulièrement poursuivis pour des délits pas sérieux ». Au pied du mur, les médias vont ployer ou couler, ce qui risque d’augmenter l’ingérence du pouvoir médiatique déjà présente.
Du contrôle de l’information à la diffusion de propagande
A Madagascar, le gouvernement d’Andry Rajoelina a réquisitionné les médias pour diffuser des messages officiels sur l’épidémie. Pour Nadia Raolimanalina, chef de service des informations de la télévision MBS et directrice de publication des journaux Le Quotidien et N’y Vaovaontsika, “Le régime profite de cette réquisition pour diffuser des messages de propagande”.
Plusieurs pays incluant l’Afrique du sud, ont mis en place de nouvelles lois pour criminaliser la diffusion de fausses informations sur la pandémie. Les journalistes n’osent plus en divulguer certaines, par peur d’aller en prison. « L‘État a tout verrouillé (…). On nous a informé que plusieurs médecins sont atteints du coronavirus à l’hôpital Morafeno de Toamasina (est), mais personne ne peut en parler » raconte Nadia Raolimanalina.