Les écrivains, en dépit de la dimension artistique de leur fonction, explorent divers thèmes dans leurs œuvres de création et d’imagination. Dans ce contexte de pandémie Covid-19 il est intéressant de rappeler que la littérature a très souvent servit de canevas à plusieurs écrivains de diverses époques et origines pour aborder le thème de l’épidémie et ce avec souvent un talent visionnaire ou quasi-prophétique.
C’est donc unanimement reconnu les artistes et les poètes sont doués de talents quasi-divins. Depuis le déclenchement de la maladie à coronavirus dit Covid-19 plusieurs spécialistes ont rappelé que des écrivains avaient déjà traité de la pandémie dans leurs créations littéraires depuis des décennies faisant donc figure de prophètes. D’ailleurs le 8 avril 2005 se tenait à la faculté de Médecine un important colloque intitulé « Epidémie et Littérature ». Le professeur d’immunologie Nobert Gualde, en 2016, publiait aux éditions L’Harmattan un corpus de textes littéraires et philosophiques traitant des épidémies sous le titre « Les épidémies racontées par la littérature ».
L’épidémie a toujours été une source d’inspiration des écrivains
On pourra citer par exemple des titres d’œuvres littéraires suivantes qui ont fait de l’épidémie leur source d’inspiration : La Peste (1947) d’Albert Camus, La Quarantaine (1995) de Jean Giono, L’amour aux temps du choléra (1985) de Gabriel Garcia-Marquez, Virus (2008) de Richard Preston, Pandemia (2015) de Franck Thilliez ou Le huitième fléau de cédric Bannel sans omettre de citer Peste et Choléra, roman de Patrick Deville, paru en 2012 qui a remporté le Prix Fémina.
Flore Hazoumé, écrivaine ivoirienne, a aussi traité de la pandémie dans son roman
Mais revenons à Flore hazoumé, écrivaine ivoirienne d’origine congolaise et béninoise. En effet, dans son roman intitulé « Le Crépuscule de l’Homme » publié en 2002 aux éditions CEDA, Flore Hazoumé sensibilise ses lecteurs sur les conséquences de la barbarie humaine en prenant appui sur la tragédie rwandaise. Mais dans les 20 dernières pages de son roman c’est-à-dire celles allant de 170 à 199 notre écrivaine nous fait la description d’une épidémie se développant dans les forêts sur les collines de la ville de Bunjalaba, à l’origine inconnue dont les symptômes sont « fièvre hémorragique, douleurs abdominales, vomissements. (…) Une forme de fièvre Ebola, pire que le Sida, plus virulente, plus douloureuse, plus fulgurante que le Sida et excessivement contagieuse » (pp. 171-172) Ne sont-ce pas là quelques similitudes d’avec le Coronavirus ? Du moins une pandémie. Continuons.
Faisons la lecture d’un autre extrait : « Les nouvelles étaient désastreuses. Une terrible épidémie, un virus inconnu, peut-être de la même famille que la fièvre Ebola avait décimé presque toute la population de l’Afrique, du nord au sud, en passant par l’est et l’ouest. »« L’Afrique, répétait sans cesse le journaliste de RFI, est devenue un immense cimetière. Cette maladie contagieuse s’est propagée sur tout le continent (…) Les soldats de l’O.N.U, vêtus de combinaisons et de masques, ont parcouru toute l’Afrique et n’ont trouvé survivant. » (p. 188). Sa capacité visionnaire très féconde se perçoit surtout dans l’épilogue (pp.197-199) de son roman où elle déploie toute son imagination-prophétique.
Lisons : « On le transporta à l’hôpital. On lui diagnostiqua une fièvre hémorragique d’origine inconnue. Ses parents tombèrent malades, puis ses voisins. Les hôpitaux de New York furent submergés. Ce mal nouveau décima la population de la capitale en quelques semaines. Ce virus inconnu se propagea dans le monde entier : Shanghai, Tokyo, Toronto, Berlin, Paris, Vienne, aucun continent ne fut épargné. » (p.199) Quelle écriture prémonitoire pourrait-on s’écrier. Il ne resterait qu’à ajouter à la liste des villes infectées Milan, New York, Abidjan, Johannesburg et Ouagadougou. Dans ce temps de confinement on gagnerait à relire cette œuvre majeure de Flore hazoumé pour faire utile.